Double cursus de berger et d’architecte : diplômé de l’ENSASE (École Nationale Supérieure d’Architecture de Saint Etienne); entre 2002 et 2013, a été berger entre le massif des Écrins et la montagne de Lure. Depuis 6 ans, consacre le plus clair de son temps aux pierres.

Sculpter comme moyen d’habiter

Je sculpte depuis bientôt 6 ans. Dès que j’ai découvert la sculpture, un peu par hasard, j’ai su que c’était ce qui me correspondait vraiment. Les premières sculptures étaient des assemblages : J’y ai découvert la puissance du poids dans les tensions et les équilibres instables. Je suis arrivé au bout des sculptures « dangereuses », qu’un souffle de vent ou le tassement du sol pouvait faire tomber… J’ai manipulé des tonnes et des tonnes de pierres.
J’ai passé des heures et des heures dans un large ruisseau souvent à sec, le Rif, à la recherche d’une pierre particulière qui irait pour un endroit précis pour laquelle je La cherchais : tout ce temps et tout ce poids ont été nécessaires pour que je comprenne…

.. Sculpter est un moyen d’habiter, c’est ma manière d’habiter : c’est pour pouvoir habiter que je sculpte.

J’ai ensuite rencontré diverses techniques de taille de pierre, de nouveaux outils, et une nouvelle manière d’approcher la matière. J’explore ses limites – affiner , étirer et appointer la pierre comme le fil d’une épée et la pointe de la flèche, faire, en pierre, des aiguilles. Tendre vers presque rien… Affiner la pierre, éviter le choc, être tangentielle – atterrir avec l’outil comme une caresse sur la peau de pierre. Apprivoiser la fragilité pour révéler ce que la dureté de ces pierres rend possible.

Polir le brut. Aujourd’hui, ma manière de tailler ces calcaires durs se précise et de nouvelles sculptures poignent. Le soucis de l’ombre et de la lumière entre petit à petit dans mon travail : animer la surface, faire remonter la profondeur, tourmenter la lumière. Pour tailler, j’utilise une chasse à pierre. Un outil d’attaque directe, en acier très résistant, percuté par la massette. Son extrémité biaisée permet de dégager un plan franc dans la pierre de façon nette et précise. Je polis ensuite les creux et affûte les arrêtes obtenues par cette taille «  brute  » : une nature mouvementée se creuse et s’effile à la fois.

Nous sculptons «  ensemble  » avec la pierre : la manière dont elle cède est imprévisible et le territoire où l’on chemine apparait d’éclat en éclat et précise une forme. Ma manière de cheminer avec l’imprévisible…

Déshabiller la pierre de sa robe d’origine, l’habiller de surfaces en festons, puis polir… Polir le brut : révéler la douceur, la souplesse de la pierre, éteindre la rudesse, éclairer sa profondeur. Polir est une progression vers la lumière et les temps immense. Mes pierres deviennent de plus en plus d’eau et de feu, vagues et précise à la fois.

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